Présentation de la série
Titre : A tes côtés
Autrice : Megumi Morino
Éditeur : Akata éditions
Parution : Premier volume paru en VF le 11 juin 2020 – Dernier volume (n°8) paru en VF le 27 janvier 2022.
Statut : Série en cours au Japon.
Résumé : Quand un après-midi d’hiver enneigé, Hotaru tend son parapluie à Hanoï, un de ses camarades de lycée qui vient de se faire larguer, elle n’imaginait pas encore que c’était le début d’une nouvelle histoire. En effet, ce garçon de la classe d’à côté débarque le lendemain, pour lui faire une déclaration d’amour… alors qu’il ne la connaît pas vraiment. Déstabilisée, elle finit pourtant par accepter d’essayer de sortir avec lui jusqu’à Noël. Et si derrière des apparences trompeuses, la rencontre de ces deux-là était en réalité le fruit du destin ?
Qu’est-ce qui t’a poussé à lire ce manga?
Tout est parti d’une initiative d’Anne-Laure du compte @livresetreveries sur Instagram (coucou Anne-Laure si tu passes par ici!). Elle a proposé une lecture commune (LC dans le jargon des lecteurs sur les réseaux sociaux) de manga, ce qui est rare… très rare! Et comme j’apprécie beaucoup ce qui se fait rarement et que j’adore lire des mangas, j’ai validé ma participation. Son choix s’est porté sur A tes côtés, un shojo qu’elle nous a proposé de lire sur une semaine, du 24 au 30 janvier 2022. Cela tombait très bien, le 8è tome sortait le 27! J’avoue avoir été un peu dubitative d’apprendre que c’était un shojo, c’est-à-dire une romance, genre que je ne connais pas beaucoup et dont je ne suis pas forcément friande. Mais je suis toujours partante pour la nouveauté donc j’ai foncé!
Restait à résoudre la question de l’acquisition des 8 tomes que je n’avais pas chez moi et qui n’étaient pas disponibles en médiathèque non plus. Anne-Laure proposait de nous passer les versions numériques mais je préfère personnellement tourner les pages et me passer d’écrans quand je lis. Il se trouve qu’à ce moment-là, je travaillais en librairie et mes collègues avaient pour habitude (c’est toujours le cas!) d’emprunter les nouveautés pour les lire chez elles afin de pouvoir ensuite les conseiller. J’ai ainsi pu faire la même chose, c’est-à-dire emprunter les volumes de la librairie pour les ramener ensuite une fois lus. Et voilà!
Quelques petites précisions avant d’entrer dans le vif du sujet. Je vous livre ici une chronique globale sur les huit volumes de la série car je les ai lus à la suite les uns des autres sur une période très courte, ce qui a eu pour effet chez moi de mélanger un peu tous les tomes. Par ailleurs, l’évolution de l’intrigue est assez peu marquée d’un volume à l’autre. Cette présentation groupée évite les remarques redondantes sur le fonds et la forme.
Quelques connaissances de base sur le manga
Pour toutes celles et ceux qui ont déjà l’habitude de lire des mangas, vous pouvez sauter cette partie et aller directement à la suivante! Pour les autres, voici quelques clés pour comprendre cette BD très particulière et, pourquoi pas, commencer à vous initier à votre rythme à sa découverte en lisant A tes côtés (après tout, les blogs littéraires sont aussi là pour donner envie de découvrir d’autres horizons!). Attention, cette section ne prétend pas décrire tout l’univers du manga, qui est bien trop riche et mériterait à lui-seul un article qui viendra probablement enrichir ce blog incessamment sous peu. Il sert seulement à éclairer les lectrices et lecteurs curieuses.x sur ce support et à leur donner envie de franchir le pas en ouvrant leur premier manga!
Manga est le mot qui désigne les bandes-dessinées au Japon. Par dérive de sens, il en est venu à désigner en Occident les bandes-dessinées japonaises ou asiatiques respectant les codes de dessins japonais, c’est-à-dire un sens de lecture de droite à gauche (on commence donc un manga par la fin), des dessins en noir et blanc avec des personnages aux grands yeux expressifs, des décors souvent réduits à leur simple expression et un format de poche.
Au Japon, les mangas sont prépubliés par lots de chapitres dans des magazines dédiés qui sont lus un peu partout, comme les journaux gratuits distribués dans les transports en commun des grandes villes chez nous. Pour celles et ceux qui connaissent, le modèle est assez similaire au « Journal de Spirou ». Ces magazines étant nombreux et ayant des rythmes de publication variés, le choix des dessins en noir et blanc s’est imposé pour des raisons d’économie. Lorsqu’un manga rencontre le succès, il est alors publié en volumes sous la forme que nous connaissons et ses droits peuvent être achetés par des éditeurs étrangers intéressés. Nous n’avons donc accès qu’à une infime partie de la production de mangas du Japon!
En France, les mangas sont classés dans trois catégories principales : les shonen, les shojo et les seinen. Les shonen sont plutôt destinés aux jeunes garçons et allient humour et action dans des histoires plus ou moins longues : ce sont les Dragon Ball, Naruto et autre One Piece que vos enfants vous ont peut-être déjà réclamés ou que vous avez peut-être déjà remarqués dans les rayonnages de librairies tant ils prennent de la place (plus de 30 volumes)! Le versant adulte des shonen est le seinen, qui garde le côté action mais est plus sérieux et souvent plus violent : 20th century boys ou One Punch Man figurent parmi les seinen classiques. Enfin, les shojo mettent en scène des romances hétérosexuelles à destination des jeunes adolescentes et on parlera de josei pour la version adulte des shojo.
Ces catégories ne sont cependant pas imperméables et il en existe beaucoup d’autres, notamment pour qualifier les romances homosexuelles masculines (yaoi) et féminines (yuri). Concrètement, la classification en 3 catégories majeures existe surtout pour le côté pratique du rangement en librairie. En effet, certains mangas réunissent les caractéristiques des seinen et shojo en même temps, et les lectrices et lecteurs eux-mêmes ne sont pas forcément sensibles au classement par âge. Prenons A tes côtés qui est classé en shojo. Si j’avais suivi le classement, je n’aurai pas dû le lire car je ne correspond pas à la tranche d’âge : j’ai plus de 18 ans! Sauf que A tes côtés est aussi parfaitement adapté pour des adultes, la relation entre les deux personnages posant des questions universelles et très matures. Et ma collection de mangas contient principalement des seinen, dont je ne suis pourtant pas la cible, étant une femme!
En clair, que retenir de tout cela? Le manga est une BD japonaise en noir et blanc au format poche mais plutôt épaisse, qui paraît souvent en plusieurs volumes et se lit de droite à gauche, en commençant par la fin. Le classement utilisé en France permet aux acheteurs et lecteurs de retrouver plus facilement un titre mais n’est pas cloisonnant : un adulte peut adorer les shonen tout comme un adolescent les shojo. A tes côtés est ainsi un shojo qui peut être lu par un public adulte, féminin ou masculin, car sa thématique est très mature et pose des questions universelles sur les relations amoureuses.
Douceur, subtilité et complexité
Commençons par le début et surtout la base d’un manga : le dessin. Comme vous pouvez le voir sur les couvertures, le trait est épuré, fluide, léger et les couleurs claires et douces. Ces caractéristiques se retrouvent dans la totalité des tomes de la série. Megumi Morino transcrit toute la pudeur, la retenue et la douceur de la relation qui se construit entre Hotaru et Hanoï dans la légèreté de son trait de crayon et les différentes nuances de gris qu’elle utilise. On se sent enveloppé dans un cocon, d’autant que l’histoire elle-même est traitée avec beaucoup de subtilité.
On suit en effet la relation amoureuse entre une jeune lycéenne japonaise, Hotaru, et un lycéen un peu plus âgé qu’elle, Hanoï. Au fur et à mesure des volumes, elle s’intensifie mais tout en nuances et surtout, en respectant les codes culturels japonais, ce qui fait toute la différence avec une romance classique et rend ce manga encore plus intéressant à découvrir. En effet, des éléments qui nous paraissent complètement évidents dans une relation occidentale ne le sont pas du tout au Japon. Ainsi, le fait de se déclarer officiellement en couple est une étape capitale beaucoup plus engageante que chez nous car elle implique un certain nombre de gestes, d’attitudes et de possibilités qui ne sont pas envisageables sans ce statut officiel. Se tenir la main ou sortir ensemble en public, s’appeler par son prénom ou encore s’embrasser en public sont autant de signes d’un attachement profond au Japon alors que chez nous, ce sont des gestes presque banals que l’on fait sans se poser la question du sens à leur donner ou de l’interprétation que pourrait en avoir nos interlocuteurs. C’est la raison pour laquelle la période d’essai de couple entre Hanoï et Hotaru occupe les deux ou trois premiers volumes de la série et que celle-ci se poursuit encore malgré déjà huit volumes : leur relation se construit vraiment par petites touches subtiles, tout en douceur et en accord avec le dessin, comme souligné plus haut. La période d’essai demandée par Hotaru à Hanoï est d’abord prolongée puis laisse la place à plusieurs petits moments de couple qui font aussi écho dans la culture occidentale : la première sortie en amoureux, les déjeuners partagés, les premières activités ensemble, le premier baiser…
Des personnages et une histoire bien plus complexes qu’il n’y paraît
Cependant, A tes côtés n’est pas une énième bluette pour adolescentes en mal de romantisme, bien au contraire! Le tour de force de cette série est de questionner les fondements d’une relation de couple saine à travers les caractères de ses deux personnages principaux, assez diamétralement opposés. Hotaru est une jeune fille de 16 ans simple, terre-à-terre et altruiste qui n’est pas plus intéressée que cela par les relations de couple. Elle a même du mal à comprendre l’engouement de ses camarades pour l’amour et s’estime elle-même imperméable aux signaux amoureux classiques. C’est pourquoi elle est totalement surprise par la déclaration d’Hanoï, le jeune homme qu’elle a vu se faire larguer par sa petite amie dans le café où elle était avec une de ses amies. Le retrouvant par hasard à l’arrêt de bus, assis seul sous la pluie, elle s’avance spontanément vers lui et le protège avec son parapluie. Elle agit ainsi en ayant seulement en tête qu’il allait être trempé, sans arrière pensée romantique. Lorsque le lendemain de cet évènement, Hanoï vient dans sa classe et lui déclare devant tout le monde qu’il l’aime, elle analyse la situation froidement, avançant des arguments simples et évidents: il ne peut pas l’aimer puisqu’ils ne se connaissent pas! L’idée de la période d’essai vient d’elle, ce qui montre qu’elle est réfléchie dans ses actes tout en prenant en compte les souhaits des autres et en restant ouverte à de nouvelles expériences, tant qu’elle en contrôle un tant soit peu les conditions. A l’opposé, Hanoï est spontané, entier et très exclusif. Son attitude extrêmement protectrice envers Hotaru peut déranger dans les deux premiers volumes car il ressemble presque à un manipulateur mais assez rapidement, son caractère évolue au contact de Hotaru qui insiste sur l’importance du partage et l’amène peu à peu à se dévoiler et à « lâcher du lest ». On découvre ainsi la raison de son attachement maladif à toutes les filles qu’il a pu fréquenter jusqu’à Hotaru.
Mais ce qui rend cette série absolument géniale, c’est que l’on voit bien les deux personnages évoluer au contact l’un de l’autre petit à petit, au gré des expériences et sans que leur passé respectif ne servent d’excuse définitive à ce qu’ils sont. Le passé explique des traits de personnalité mais ceux-ci sont déjà en train de se transformer un peu, montrant par là qu’il est possible de changer sans se renier. Hotaru reste dévouée envers ses camarades et ne renonce pas à sa famille mais elle comprend l’importance pour Hanoï de passer du temps avec lui, l’accepte et l’intègre dans son quotidien. Elle applique son altruisme à Hanoï en acceptant un emploi étudiant dans une librairie, sachant qu’il lit beaucoup. Hanoï de son côté apprend à « partager » Hotaru avec ses amies en les fréquentant et en sociabilisant davantage avec ses pairs, sans pour autant renier son caractère assez ombrageux. Malgré quelques remarques, l’entourage d’Hotaru et d’Hanoï accepte la situation et les accepte tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs défauts, d’autant qu’eux-mêmes n’en sont pas exempts. Il est d’ailleurs intéressant de voir la différence de relation entre Hotaru et Hanoï et leurs amis en couple! Enfin, les personnages secondaires servent eux aussi à aborder des problématiques de relations sentimentales : l’amour non partagé, l’amour virtuel, la jalousie, la peur… Le tout forme un panel d’êtres humains crédibles et attachants, dont les interactions ressemblent fortement à celles que nous pourrions avoir avec nos propres ami.es.s.
Mon avis sur a tes côtés : A découvrir d’urgence !
Vous l’avez probablement compris : j’ai adoré cette série! Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, ce n’est pas une romance banale entre deux lycéens comme on peut en lire par centaines dans les shojo. Megumi Morino nous propose ici une vraie analyse des sentiments humains et amoureux à travers deux personnages très attachants aux caractères opposés et une panoplie de personnages secondaires tout aussi intéressants. Avec tact et douceur, elle sème les étapes d’une histoire d’amour qui se construit petit à petit avec ses joies, ses peines parfois, ses obstacles à surmonter aussi et fait en sorte que ses personnages en sortent à chaque fois grandis. La finesse de son dessin vient renforcer la subtilité du récit qui ne tombe jamais dans la mièvrerie, piège classique des shojo. C’est pour cela qu’A tes côtés est une lecture tout public à mettre entre toutes les mains car les relations qui y sont décrites valent pour tous les âges et pour tous les genres. Cette série fournit des conseils bien plus précieux et concrets sur ce que doit et peut être un couple sain que tous les livres traitant du sujet!
Je vous recommande donc chaudement la découverte de ce manga, y compris pour débuter votre incursion dans l’univers de la BD japonaise!
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