« Vengeance sauce piquante », de Sally Andrew (Une enquête de Tannie Maria volume 2)
Présentation de l’œuvre
Titre : Vengeance sauce piquante – Une enquête de Tannie Maria
Autrice : Sally Andrew
Éditeur : Flammarion
Parution : 25/10/2017
Statut : Il s’agit du deuxième volume sur trois d’une série policière autour du personnage de Tannie Maria. Le premier tome, intitulé Recettes d’amour et de meurtre, est paru chez Flammarion en juin 2017 et le troisième, Death on the Limpopo, n’est pas encore traduit en français.
EAN/ISBN : 9782081376106
Résumé : « Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vouloir quelque chose très fort ? À trop courir après, vous risquez de tomber sur autre chose que vous n’attendiez pas. C’est peut-être parce que j’avais trop faim d’amour que je me suis retrouvée avec un meurtre au menu. » Tannie Maria, chroniqueuse pour la rubrique « Recettes et conseils amoureux » de la gazette de son petit village situé dans la réserve du Karoo en Afrique du Sud, traverse une mauvaise passe. En plus du souvenir de son défunt mari violent qui la hante, le leader charismatique des Bushmen tombe raide mort sous ses yeux, empoisonné par une sauce à la ciguë après avoir gagné un combat juridique contre les Blancs d’Afrique du sud. Avec l’aide de son amie et collègue Jessie, et celle un peu forcée du séduisant inspecteur Henk Kannemeyer, elle se lance dans l’enquête pour retrouver le coupable, quitte à mettre les pieds dans le plat.
Qu’est-ce qui t’a amenée à lire Vengeance sauce piquante?
C’est en flânant dans les rayonnages de la médiathèque de ma ville que je suis tombée sur ce roman qui m’a séduite pour plusieurs raisons. D’abord, sa couverture, que je trouvais originale et amusante : mêler cuisine et meurtre, ce n’est quand même pas banal! Ensuite, le cadre de l’enquête qui se déroule en Afrique du Sud, pays très peu représenté dans la masse de livres qui garnissent les rayonnages des bibliothèques et les étals des librairies. J’avais l’assurance d’un dépaysement complet vers un pays que je connais seulement à travers quelques noms : Nelson Mandela, apartheid, Neill Blomkamp, Oscar Pistorius, Johannesbourg, Charlize Theron, afrikaners. Autant dire que je ne sais rien de ce pays et de sa culture! Enfin, je n’avais jamais entendu parler de ce roman et de la saga Tannie Maria et je ne connaissais pas l’autrice non plus. Emprunter Vengeance sauce piquante me permettait donc de découvrir une nouvelle autrice et une nouvelle saga policière.
Une couverture originale et colorée pour un cosy mystery dont je n’avais jamais entendu parler, écrit par une autrice que je ne connaissais pas et se déroulant dans un pays peu représenté sur lequel je sais très peu de choses : bingo, c’est gagné!
Un style d’écriture particulier
La première chose qui m’a surprise dans ma lecture de Vengeance sauce piquante est la présence de nombreux termes afrikaners qui ne sont pas traduits. Écrits en italique dans le texte, ils sont en particulier omniprésents dans les premières pages du roman, ce qui m’a beaucoup perturbée au point que j’ai envisagé d’arrêter ma lecture. En effet, ces termes permettent de décrire le cadre de vie de Tannie Maria, qui vit dans une jolie maison située en plein Klein Karoo en Afrique du Sud. Beaucoup d’entre eux décrivent des éléments précis du paysage, de la maison ou encore de la cuisine locale, ce qui a provoqué chez moi une certaine frustration car du fait que je ne lis pas et ne parle pas l’afrikaners ou une langue approchante, les passages truffés de mots dans cette langue me sont restés incompréhensibles.
Heureusement, ce travers ne dure pas trop longtemps et l’autrice revient à un langage plus abordable qu’elle ponctue ça et là d’afrikaners mais pas au point que le sens soit impénétrable, comme au début du livre.
L’autre point important à souligner concernant le style est la présence des lettres que Tannie reçoit de la part des lecteurs de son journal et auxquels elle répond dans sa rubrique. Lettres et réponses figurent dans le roman, servant au choix de prétexte à explorer encore davantage la psyché de Tannie ou de respiration dans l’enquête. Je penche personnellement pour la première option, l’enquête n’occupant qu’une place accessoire comme vous le lirez plus loin.
Enfin, toutes les recettes mentionnées dans le roman figurent à la fin du livre, avec les quantités pour 6 personnes de mémoire. L’autrice nous invite ainsi à compenser la faim que peut provoquer la lecture de son roman (qui doit absolument être lu le ventre plein) en nous proposant de réaliser nous-mêmes le fameux gâteau Vénus qui a l’air d’être une tuerie, entre autres recettes!
Des personnages attachants mais sous exploités.
S’il y a bien un élément positif dans ce roman, ce sont les personnages qui sont hauts en couleur et attachants! Que ce soit Tannie Maria, son amant Henk, ses collègues Jessie et Hattie et tous les autres, ils ont en commun d’être très caractérisés.
Tannie est l’archétype de la victime de violences conjugales qui essaie de se reconstruire mais ne se laisse pas non plus définir par cela. Elle est forte malgré les apparences et parvient à cacher ses lourds secrets à son entourage, du moins jusqu’à un certain point. Elle accepte également l’aide qui lui est proposée par le garagiste-psychologue-chamane, comprenant qu’avouer sa faute (le meurtre de son mari) lui permettra de se libérer et de pouvoir aller de l’avant à la fois avec Henk et pour elle-même. Il est juste dommage que son obsession pour la nourriture soit aussi présente, mais c’est bien là le signe que l’autrice réussit à nous faire entrer dans le cerveau de Tannie!
Henk de son côté est très, voire trop protecteur envers elle, ce qu’elle a un peu de mal à accepter avant de comprendre qu’il a peur de la perdre comme il a perdu sa première femme et comme cela a failli se produire dans le premier tome. Il lui interdit de s’occuper de l’enquête mais finit par réaliser qu’elle y est mêlée malgré elle et que ses connaissances culinaires peuvent vraiment aider à résoudre le meurtre du leader des Bushmen. C’est un homme doux et compréhensif, l’exact contraire du précédent mari de Tannie semble-t-il. Ce côté trop lisse a fini par me déranger car il correspond vraiment à l’homme parfait!
Leur relation amoureuse est bien développée mais marquée par les complications psychologiques liées au blocage de Tannie concernant les violences perpétrées par son mari décédé. Ils arrivent à trouver un équilibre même si tout n’est pas rose non plus.
Enfin, les collègues de Tannie, Jessie la journaliste rebelle et Hattie la rédactrice en chef tirée à quatre épingles, apportent un peu de dynamisme dans le récit. Sans elles, et surtout sans Jessie, l’action et l’enquête n’avanceraient pas très vite. Une galerie de personnages complémentaires a été créée et certains ressortent, notamment quelques membres du groupe de parole comme Fatima (si je me souviens bien de son prénom) et la grecque dont j’ai pour le coup oublié le nom, mais ils sont pour beaucoup sous-exploités, ce qui est dommage.
Une enquête qui passe au second plan
Le meurtre sur lequel enquêtent Tannie et Henk est celui du leader charismatique des Bushmen, un peuple autochtone d’Afrique australe qui a été spolié de ses terres lors de la colonisation. Dans le roman, les Bushmen viennent de remporter un combat juridique face aux grandes entreprises blanches d’Afrique du sud : ils ont récupéré leurs terres ancestrales, ce qui ne satisfait pas forcément les dites entreprises. Le leader de ces Bushmen, dont j’ai complètement oublié le nom (encore un autre!), est empoisonné par une sauce trafiquée qu’il ingère lors d’un festival auquel assiste Tannie Maria et lors duquel elle lui est présentée.
Le contexte politique pourtant très intéressant est cependant relégué au second, voir à l’arrière plan car toute l’attention de l’autrice est concentrée sur la dimension psychologique du personnage de Tannie. Ses angoisses, compensées par ses fringales permanentes et son obsession pour la cuisine, viennent directement des évènements qui se sont déroulées dans le premier tome, Recettes d’amour et de meurtre, qui déjà semble être bien porté sur la cuisine.
Le problème ici est que la résolution de l’intrigue vient comme si l’autrice s’était subitement rappelée qu’elle avait une enquête à boucler. Tannie s’y retrouve ainsi mêlée malgré elle car le groupe de parole auquel elle a décidé de participer pour tenter d’évacuer ses peurs devient l’épicentre de la résolution de l’enquête. Sally Andrew place donc dans ce groupe le coupable du meurtre de l’enquête d’origine, relié au meurtre de l’un des membres du groupe, ce qui est certes pratique mais assez biscornu. Elle ajoute à cela une « enquête secondaire » menée par Jessie avec l’homme aux lapins dont je n’ai pas compris l’intérêt, à part apporter une note écologiste dans le roman, et des touches de surnaturel qui peuvent surprendre même si elles sont bien amenées. Le tout donne une sensation de fouillis qui ne m’a pas vraiment convaincue.
En clair, si vous recherchez une enquête policière haletante ou un cosy mystery détente, passez votre chemin. Vengeance sauce piquante n’est ni vraiment l’un, ni vraiment l’autre. C’est plus une analyse psychologique de l’héroïne, victime de violences conjugales et témoin (ou responsable?) du meurtre de son précédent mari, le tout servi avec d’innombrables recettes de cuisine permettant de distraire notre attention, tout comme celle de Tannie à laquelle nous nous identifions mieux.
Mon avis sur Vengeance sauce piquante
Le problème principal que j’ai rencontré sur cette lecture est que je n’avais pas lu le premier tome, qui est nécessaire pour comprendre les flash-backs de Tannie concernant son mari décédé. Toute la psychologie de Tannie est déterminée par ce qu’il se passe dans Recettes d’amour et de meurtre et clairement, cette lecture m’a manquée pour pleinement apprécier Vengeance sauce piquante. Il est possible de deviner certains évènements mais pas tout malheureusement.
Par ailleurs, j’ai eu du mal dans les premières pages avec les nombreux termes afrikaners qui figurent en italique mais ne sont pas traduits. Certes, cela permet de se plonger dans l’ambiance directement mais lorsque l’on a vraiment aucune idée de ce que la plupart de ces mots signifient, il faut arriver à faire abstraction de ce vocabulaire et accepter qu’on ne comprendra pas toutes les descriptions. Heureusement, la quantité de mots afrikaners baisse drastiquement dans la suite du roman, ce qui permet de comprendre l’action sans difficultés.
Enfin, je dois bien avouer que l’omniprésence de la nourriture et des questions culinaires dans les réflexions de Tannie a fini par m’ennuyer puis m’agacer. Elle passe son temps à manger, à penser à des idées de plats, à cuisiner et même son travail consiste à donner des conseils amoureux assortis d’une recette adaptée! Certes, ses recettes sont à tomber par terre, notamment le fameux gâteau Vénus que j’aimerais bien goûter un jour, et sont fournies à la fin du roman. Il est aussi clair qu’elle compense l’angoisse liée à ce qu’il s’est passé dans le premier tome par la nourriture mais que ce point soit constamment présent dans le roman est au final presque aussi lourd que les plats que Tannie cuisine. Enfin, un élément m’a dérangée dans les conséquences de ce travers : la visite de Tannie chez une nutritionniste qui la juge sur son poids et lui prescrit un régime sans s’interroger sur les causes de ses fringales. Le fait que ce jugement vienne d’une femme mince qui complexe Tannie de surcroît m’a dérangée, d’autant que le médecin homme qu’elle consulte plus tard dans le roman aura un avis bien plus nuancé et respectueux, arguant qu’elle est assez raisonnable et intelligente pour savoir que ses angoisses ne seront probablement pas résolues par un régime.
Pour résumer, Vengeance sauce piquante est un roman qui m’a surprise mais pas que dans le bon sens du terme. J’ai apprécié le cadre dépaysant, les personnages sont attachants mais il faudrait vraiment que je lise le premier tome pour voir si mon avis très mitigé pourrait évoluer vers quelque chose de plus positif. Il y aura de toute façon clairement pour moi le problème rédhibitoire de l’enquête policière reléguée au rang de prétexte à l’exploration du personnage de Tannie. C’est donc une lecture sympathique mais sans plus.